Publication : 5 décembre 2020 – Femina Corse Matin
Toutes les familles heureuses se ressemblent, chaque famille malheureuse l’est à sa façon.
Léon Tolstoï, Anna Karenine, 1877.
Sur une échelle de 1 à 10, vous êtes malheureuses comment, vous ?
Sachant qu’Anna K. est à 9 – pour ne pas dire 10, on peut toujours faire mieux. Que Trinity (Matrix, 1999 : c’est pour voir si vous suivez toujours) caracole à 7, et que Fantômette botte en touche en Suisse en affichant un score de 5.
Candy est exclue de la compétition : 1 pour ne pas dire 0, c’est vraiment pas possible.
« Ah, on est mal, on est mal, on est mal. »
Un indien dans la ville (on a les références qu’on mérite), 1994.
Et on fait quoi, on fait quoi ?
Pour vivre heureuses le week-end, faisons le ménage d’hiver après celui du printemps, des gâteaux à la châtaigne et des masques ? Ça marche vraiment ? Ça marchait déjà avant (sans les masques) ? Et nous y voilà : avant, c’était mieux ? Avant, on s’éclatait vraiment dans la facilité ?
Avant, ça commence à être loin surtout. Huit mois soient huit siècles (non vraiment, aucune ascendance marseillaise) moins deux mois de liberté conditionnelle avant la deuxième correctionnelle. On a l’avenir qu’on mérite, il paraît. Et on a beau sourire à la vie, elle ne nous rend pas grand-chose en ce moment ; encore un coup du masque, ça.
Les raviolis à la truffe home made ? Oubliez. Il y a les rayons de farine de châtaigne dévalisés pour dix saisons et il y a les autres (rayons), dévalisés aussi.
Sale temps surtout aussi pour les célibataires de Corse et de Navarre. Pour les ma.s.quées avec des continentaux, quasi même combat.
Alors être heureuses dans l’adversité, seules et « à sa façon », ça a quand même tout de suite plus de gueule, une autre saveur – moins bonne que la truffe, faut pas déconner. Ou alors une saveur plus déconnante, parce que c’est devenu un vrai enjeu de la saison deux, une vraie compétition.
Relativisons tout de même : on est plutôt dans l’ambiance Roland Garros à huis clos d’octobre dernier, pas dans les JO d’antan.
« Et toi, le match retour de la saison deux, c’était comment ? »
« Dans mon appartement sans balcon, sans connexion internet (remember, winter is coming), sans mec. Sans gloire et sans espoir. »
« Mais tu avais à boire quand même ? »
« Ah oui, heureusement. Et de la farine de châtaigne/truffe chopée au marché noir. »
« Bravo ! Classe ! »
À Dallas même.
Malheureuses dans la dignité, c’est okay aussi ; Anna et Trinity en savent même quelque chose. Parce qu’après tout, après « avant », après la saison deux, après le bal masqué, le fatalisme ce sera comme tout le reste : juste une question de point de vue.
« Si Dieu n’existe pas, tout est permis. »
Fiodor Dostoïevski, Les Frères Karamazov, 1880.
(Il y a aussi les références qu’on ne méritera peut-être jamais et ce n’est pas grave.)
To be continued…