Publication : 22 novembre 2020 – Femina Corse Matin
Tout le monde porte un masque. Enfin évidemment, c’est une métaphore, un symbole. Nous refoulons nos désirs les plus secrets pour donner une image de nous qui soit acceptable.
The Mask, 1994.
Il fallait bien un cadre théorique, un écrin quatre étoiles pour entamer le premier chapitre de cette nouvelle saison de cette série C à rebondissements. Et qui dit saison deux, dit que nous ne partons plus de zéro car nous savons désormais de mieux en mieux avancer masquées. Pas masqué.e.s, mais bel et bien masquées ; pas le choix, pas le droit au chapitre, messieurs – pour cette fois.
Un masque, alors. Pas celui de Venise, rappelons qu’il n’est toujours pas question de flâner sur la place Saint Marc. La lagune nous remerciera plus tard, mais pas longtemps néanmoins ; il y a quand même quelques lois immuables dans cette autre version du carnaval.
Un masque, toujours. Pas celui des cinquante nuances non plus, quoi que jouer habilement des cils et des paupières confère soudain à l’objet un certain pouvoir érotico-romantique à manier avec précaution (pas à la boulangerie par exemple, enfin c’est vous qui voyez après tout).
Un masque, donc. Le même que l’avant-gardiste Mickaël Jackson (et ne retenons que cela ici).
Se pose alors une question sous-jacente fondamentale quant à la manière dont nous avançons masquées : quelle nouvelle image de moi ai-je envie de donner à la voisine ? À la boulangère (encore elle) ? À la maîtresse de la petite dernière ? À ma chef (si je ne suis pas moi-même la chef) ?
Même joueur – ou presque – joue encore. Lockdown Therapy saison deux, c’est comme le rattrapage du bac, celui d’avant. La revanche après l’acte manqué. Le moment de changer, l’opportunité de rebattre les cartes.
Je porte un masque noir parce que je suis une vraie bad girl. Je porte un masque à message parce que j’ai enfin trouvé le moyen de revendiquer des trucs importants sans que la terre entière me tombe dessus. Je porte un masque avec une truffe mignonne et des moustaches parce que j’ai toujours rêvé d’être catwoman – dommage, mon égérie du genre c’était plutôt Fantômette.
Je porte un masque avec des têtes de panda parce que j’ai juste envie de porter un masque avec des têtes de panda et que je vous em… Pardon, c’est vrai, on avait dit acceptable.
Choisissez votre camp : hippie, responsable, animaliste, solidaire, cinglé, etc. Soyez enfin qui vous voulez. Acceptable, pas acceptable ? Légitime, illégitime ? On s’en fout un peu maintenant, parce que les saisons deux sont celles de toutes les transgressions : chute des personnages principaux, infâmes trahisons, mutations diverses et variées (façon « La Mouche, 1987 » ou façon « je migre dans l’Himalaya » : encore une fois, choisissez votre camp).
Se pose alors une autre question, un peu fataliste, mais après tout pourquoi pas : pour oser davantage, fallait-il alors seulement que nous avancions masquées ?
« Un p’tit baiser, chérie ? Que je vous ferais voir ma grosse gondole et ma tour de Pise, et puis je planterais ma grosse fourchette dans vos raviolis. »
The Mask, 1994.
On avait dit « pas le droit au chapitre », non ?
Ou alors, à la truffe, s’il vous plaît. Les raviolis.
To be continued…